Le Pardon

Nous parlons, dans la société actuelle, souvent d’introspection, de connaissance profonde de son moi, de suivre un guide, de recherche de vérité pour nous amener vers la reconnaissance en Dieu et par Dieu de notre volonté à regagner l’Eden. Je vous rappelle que Adam et Eve ont été chassés de l’Eden par Dieu parce qu’ils avaient mangé du fruit de la connaissance. Mais tout ce cheminement a pour unique but le pardon, non pas un pardon universellement neutre comme lorsque nous bousculons quelqu’un mais un pardon divin, celui qui sonde les moindres parties de notre âme et qui ne peut être activé que par le sentiment de repentance. Même si le pardon dans sa définition est une action vers quelqu’un, nous ne pouvons recevoir cette action que si notre sentiment profond de désir de recevoir est entier et actif. Pour cela, la volonté de reconnaître ses fautes est primordiale. Cet acte de pardon peut être décomposé en plusieurs phases.

La première est avant tout le pardon de soi-même :

La première étape est sûrement la plus difficile car elle induit une compréhension extrême de soi-même alliée à des esprits internes de clémence, de tempérance et de justice. Souvent, l’indulgence est de mise avec soi-même car il est plus facile de se donner des excuses que de se regarder réellement dans le miroir.  La faculté de se voir tel que l’on est : sans orgueil, sans fierté est un travail long et quotidien. Il faut être capable de reconnaître ses erreurs, ses faiblesses, ce côté obscur que tout homme révèle dans certaines situations. Le fait de recouvrir ses actes par l’orgueil, par la fierté ou tout simplement se trouver des excuses échappatoires ne fait que recouvrir notre vrai moi d’un voile opaque et lourd qui ne laissera aucune chance à la rédemption du soi intérieur de trouver son chemin. Acceptez votre reflet, acceptez vos actes, acceptez enfin de voir votre âme noircie entachée de vos fautes. La confession à une autre personne ou même interne à pour action de déposer ce lourd fardeau que vous portiez et d’accepter en fin de compte ce que vous êtes réellement ni plus ni moins qu’un être humain comme les autres. L’action de reconnaître ou de confesser ses fautes vous permettra d’arriver à la conclusion simple et limpide de vous dire “j’ai eu tord, j’ai commis le mal”, alors le voile se lèvera et vous verrez votre âme lavée aussi frêle et forte que les colonnes soutenant l’édifice de Dieu. Le pardon viendra naturellement en vous, accompagner de votre clémence. Tout pardon sincère engendre évidemment un acte de clémence. Il est réellement le fondement de cette démarche, s’accorder le pardon doit être accompagné d’un sentiment humble sans jugement teinté de tempérance nous abandonnant à la justice de Dieu. On doit pouvoir à la fin de cette démarche se laisser aller à la connaissance de ses fautes, c’est à dire à la compréhension de ce qui nous a amené à commettre cette faute, pour accéder à une sorte d’abandon à Dieu et dans sa justice, comme pour nous dire: je laisse à quelqu’un d’autre le soin de me juger. Et qui, à part Dieu qui est sans faute et sans pécher, peut mieux juger? Le but n’est pas de s’accabler de sentences car cela ne nous appartient pas mais de se libérer des poids de la faute. Ainsi nous accèderons à la plénitude de soi. S’accepter dans son imperfection pour enfin pouvoir se pardonner et s’aimer.

La deuxième étape est de pardonner aux autres :

Pardonner aux autres est une action de grâce. Elle amène l’homme à exercer sur autrui le pouvoir de pardonner. Je me réfugiais souvent dans une phrase pour pardonner : « je pardonne mais je n’oublie pas ». Dieu peut être témoin que j’ai usé cette phrase, à force de la prononcer. Mais aujourd’hui, je me rends compte qu’elle est fausse. Pardonner est un acte entier et ne peut souffrir de concession. Le pardon que l’on accorde doit être plein et sincère, il ne doit ni être empli d’amertume, ni teinté de condition. Le pardon est une action de grâce car elle part du cœur, grandit dans l’âme et naît dans celui qui la reçoit. Pardonner à l’autre est aussi reconnaître l’autre comme son frère qui n’est pas mieux ou pire que nous. Mais voir en lui la résonance du propre jugement du soi. C’est accepter que l’autre commet aussi des erreurs et que nous sommes démunis et incapables du pouvoir de jugement. Le jugement que nous prononcerions serait forcément guidé par nos valeurs, par notre colère, par notre haine de tout ce qui reflète notre condition d’homme. Comment alors juger l’autre muni de telles armes. Pardonner c’est renoncer à ce jugement, et laisser à Dieu cette faculté.

J’ai dans ma vie été trahi, bousculé, humilié, rabaissé par des amis, par mes propres parents, mais aujourd’hui je pardonne car il fût un temps où moi aussi j’excellais dans ces facultés. Je ne suis ni un saint, ni un homme meilleur que vous, mais le temps de pardonner est venu car si je ne pardonne pas la haine, la colère, le sentiment d’être victime me remplira et finira par me rendre malheureux. J’essaie d’exercer le pardon car il me permet aussi de me débarrasser de mes vieux démons. Détrompez vous, cela ne vous rend pas meilleur ou plus grand mais il engendre en vous un sentiment humble plus fort et plus noble que tous les autres, celui de concorde entre l’esprit et l’âme. Votre âme est ce qui vous constitue , dans vos sentiments, dans vos actes, elle est en quelque sorte la bibliothèque de votre passé, de votre présent et de votre futur. Elle est constituée de vos actes mais aussi de leur cause et de leurs effets: si j’insulte une personne. cette personne me verra avec haine et colère. Alors s’inscrira dans mon âme une faute car je n’aurai pas essayé de comprendre ou de communiquer.

Votre esprit est la part de Dieu dans votre constitution, cette petite flamme qui brûle en vous et vous anime de sentiments qui implique de faire des choix vers les bons sentiments ou les mauvais. Votre esprit est pur et ne peut être entaché de l’empreinte du mal. Mais il est plus ou moins présent si vous vous activez à prôner le bien ou le mal. Dans le sens du pardon à l’autre, cet esprit se révèle et se transforme en feu ardent qui vous procure un bien considérable car il éclairera votre âme pour mettre en surbrillance vos actes bons et effacera, comme la lumière efface les ténèbres, vos actes mauvais. A ce moment la concorde, la résonance de votre âme et de votre esprit seront alunissons dans votre acte de pardon.

La troisième étape est d’accepter de recevoir le pardon des autres :

Accepter le pardon des autres est une sentence issue d’un jugement. La sentence est le fait d’effacer par cet acte non seulement les fautes de l’autre mais aussi tout ce que cela a engendré : la colère, la haine, etc… Le jugement est le reflet de ce que vous êtes et la possibilité de réintroduire l’amour, la confiance à l’autre, de changer notre regard accusateur en celui de compatissant. Plus facile à dire qu’à faire me direz vous ? Et cela dépend de la faute: le meurtre, l’attaque physique ou morale peuvent-ils être pardonnés? Chacun doit trouver la force d’accepter le pardon si, il estime que celui-ci est sincère. Voici deux récits  pour étayer mes propos :

Après l’attentat de Jean-Paul II, le 13 mai 1981 sur la place st Pierre, son agresseur Mehmet Ali Agca désira rencontrer le pape. C’était quelque mois après son méfait. Le pape se rendit à la prison, les deux hommes se toisèrent sans prononcer un mot. Dans le regard de Jean-Paul II Mehmet déclara qu’il n’avait vu qu’un homme en colère. Mehmet Ali Agca tomba à genoux en pleurs et demanda pardon au pape. Je vous rappelle que Jean-Paul II avait reçu trois balles et était passé près de la mort. Mais il demanda à ce que l’on lui ouvre la porte de la cellule. Le pape entra et releva son agresseur puis le serra dans ses bras en lui disant «  je te pardonne mon fils ». Imaginez la force qu’il a fallu à cet homme blessé physiquement et psychologiquement par une telle agression pour accepter le pardon de son agresseur. Mehmet est sorti en Janvier 2010 et la première chose qu’il a faite est de demander l’autorisation de pouvoir aller prier sur la tombe de Jean-Paul II. La justice a été rendue. 

Accepter le pardon de l’autre est avant tout l’autoriser à se pardonner lui-même et lui permettre de bénéficier de notre clémence ce qui lui permettra de se reconstruire en quelqu’un de meilleur.

La colère de Jean-Paul II était bien réelle car il était homme avant tout, avec ses tristesses, ses colères, ses joies; mais sa foi et sa conviction à aimer chacun comme son propre frère, lui a permis de ne pas succomber à cette colère. Il aurait pu décider de laisser cet homme croupir dans sa cellule avec la conscience de son acte. En ouvrant les bras et en lui accordant son pardon, Jean-Paul II a annulé et détruit ce sentiment de haine en lui et en son bourreau, laissant ainsi un vide qui plus tard s’est rempli de compassion, d’admiration et d’amour.

Voici le deuxième récit :

Mon grand-père paternel est mort, renversé par une voiture. Le conducteur de la voiture était un collègue de mon père. Ils se connaissaient depuis plus de 25 ans. Je me souviens parfaitement du jour où cet homme à téléphoné à mon père et j’ai assisté à la conversation. Le conducteur demandait pardon en pleurs à mon père en répétant en boucle : « j’ai tué un homme, Pierrot, pardonne-moi, j’ai tué ton père. ». Ce n’était vraisemblablement pas sa faute, mon grand-père ayant traversé sans regarder. Je revois l’image de mon père en pleurs au téléphone serrant si fort le combiné que je voyais blanchir ses phalanges. Mon père finit par raccrocher le téléphone sans  avoir prononcé un seul mot faisant définitivement résonner le glas de sa sentence envers cet homme qui fit une dépression grave et par la suite décéda. Lorsque je posai la question à mon père bien des années plus tard « pourquoi », il me répondit « je n’en avais pas l’envie ni la force de lui pardonner ». Il n’en avait pas l’envie, car accepter le pardon de l’autre s’accorde aussi à accorder son pardon, c’est un échange mutuel et unique. L’envie et la force de chacun doit être puisée dans la conséquence de notre choix, ne pas l’accorder est émettre une sentence qui ne sera ni juste, ni parfaite car elle aura été engendrée avec la colère. Si mon père avait eu la force de comprendre la douleur de cet homme et de lui prononcer juste ces mots: “tu n’y es pour rien, tu es pardonné”, cet homme aurait peut-être pu se reconstruire et retrouver avec le temps une vie sereine et la paix. Mais en ne disant rien, mon père décida, inconsciemment, de le punir, sombrant ainsi par sa propre douleur à la colère. Nous ne pouvons pas lui en vouloir, ni émettre un jugement sur son attitude car sa foi en Dieu était presque inexistante, faisant passer ses actes pour juste justifier par son manque de savoir. Mais cette colère engendrée par l’absence de son père ne s’est jamais éteinte. Elle est restée en lui jusqu’à la mort. Par ce geste, il a condamné cet homme mais il s’est condamné aussi car les deux n’ont pas trouvé la paix. Mais si on trouve la force d’admettre que le pardon accordé permet au deux êtres de se libérer mutuellement de sentiment néfaste, alors le geste devient plus facile et cela quelque soit l’acte.

La dernière étape est le pardon de Dieu :

« Pardonne-moi mes offenses comme je pardonne à ceux qui mon offensé » clame-t-on dans le “Notre Père”. L’acte de pardonner aux autres s’accompagne là dans la mesure de la rédemption d’un équilibre. En demandant directement à Dieu le pardon, nous lui faisons une requête qui ne peut être accomplie que par notre propre accomplissement de notre pardon aux autres. Il faut reconnaître ses propres fautes d’abord avant de pardonner aux autres. Nous ne sommes que le reflet de ce que les autres voient de nous. Engendrer dans votre âme des envies de grandeur ou des mensonges ne vous permettra jamais d’accorder votre pardon car elle sera toujours entachée de vos apparats. Ni de vous pardonner vous-même car les mensonges que vous aurez procréé gangrèneront votre action, ni d’acquérir le pardon de Dieu de vos fautes car il ne pourra vous pardonner ne voyant en vous que le faux et l’obscurité. Le pardon divin ne peut s’accomplir que dans la lumière et dans le désir réel de la trouver. Ni grade , ni réussite sociale ne font de nous des êtres doués de pardon car le pardon est l’unique but intérieur et personnel de nos vies. Chacun doit trouver la force en soi pour affronter ses propres peurs, ses propres erreurs. Par cette action,  les efforts incessants, contraignants et douloureux nous permettront enfin de recouvrir le pardon Divin. Seul ce chemin est le bon. Le mensonge, l’orgueil, le faux semblant et tous les artifices que portent notre vie terrestre ne font que nous éloigner de ce pardon. Le pardon divin est le seul et unique pardon éternel. C’est un jugement juste, parfait et sans appel qui laisse entrevoir la vie éternelle dans ses jardins. nul ne peut se prévaloir d’être juste car nos vies sont faites de jugement car cela nous permet de nous glorifier et de nous faire croire que nous sommes meilleurs ou plus forts que les autres. Distillant ainsi dans notre âme, le poison de l’orgueil. en refusant de juger et en laissant ce droit à Dieu, vous laissez en vous la force et la clémence prendre la place qui leur revient. l’alchimie peut alors avoir lieu en ouvrant votre cœur à une vie plus simple et plus intense que celle que vous désirez maîtriser.


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